TAXI RIMBAUD

2023, la photographie d’Arthur Rimbaud par Etienne Carjat en 1871 continue de circuler dans les rues d’Addis Abeba et de Harar sur les vieux taxis bleus.

Arthur Rimbaud nait en 1854 à Charleville Mézières, il écrit ses premiers poèmes à l’âge de quinze ans et renonce subitement à la littérature en 1875 pour se lancer dans une vie d’explorateur, commerçant, journaliste.

Il s’installe à plusieurs reprises à Harar en Abyssinie de 1880 à 1890 et meurt à Marseille en 1891.

J’ai grandi non loin des Ardennes et « l’homme aux semelles de vent » m’a toujours fasciné même si ce n’est que plus tard que j’ai découvert ses poèmes.

En 1992, je réalise un pochoir à partir de la photographie de Carjat et j’investis l’espace urbain en peignant son portrait sur les murs de plusieurs villes entre Charleville Mézières et Paris.

En 2008, je me rends à Harar où je photographie trois jeunes éthiopiennes prenant la pose de Rimbaud avec les mêmes vêtements blancs de l’aventurier dans son autoportrait aux « bras croisés dans un jardin de bananes » de 1883.

En 2016, je m’installe avec ma famille à Addis Abeba pour trois ans où j’observe le va et vient des vieux taxis bleus de la capitale, héritages d’une période sombre de l’Ethiopie. Ces vieilles Lada ont tout d’abord servi à l’armée de Mengistu, puis ont été revendues aux civils avant d’être utilisées comme taxis.

J’entreprends alors une installation massive et itinérante en collant l’image d’Arthur Rimbaud sur une centaine de taxis de la capitale puis sur les vieux taxis bleus Peugeot 404 de Harar. Je crée une image ronde, plus dynamique pour m’écarter légèrement de la photographie iconique réalisée par Carjat.

Mon idée principale est de garder cette image en mouvement, qu’elle ne soit pas figée dans un espace comme dans une galerie, soumise ainsi à un déplacement incontrôlable aux yeux du public.

« Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements » avait-il écrit dans Une saison en enfer à l'âge de dix-neuf ans. Arthur Rimbaud avait, depuis le temps de l’enfance à Charleville dans les Ardennes, la volonté de vivre intensément, d’être sans cesse en mouvement dans une quête éperdue vers l’inconnu, l’inexploré.

De retour en Ethiopie en 2023, je continue cette aventure artistique et malgré le grand nombre de collages réalisés, la rencontre improbable avec cette image dans les rues d’Addis Abeba et de Harar reste pour moi un clin d’œil émouvant au poète.